Grand débat : la CFDT jugera les actes

Le 25 avril, le chef de l’État a présenté les premières mesures à l’issue du grand débat. Malgré un changement de ton, certaines thématiques, très attendues, sont restées peu abordées.

Pendant plus de deux heures, Emmanuel Macron a détaillé ses mesures pour répondre à la crise des gilets jaunes et au « profond sentiment d’injustice fiscale, sociale ou territoriale », parlant tour à tour des « vies oubliées », des « angles morts » des politiques publiques, des retraités… dont il reconnaît avoir pensé que leurs protestations « n’étaient pas légitimes ».
Pour la CFDT, ce mea-culpa marque peut-être, enfin, une volonté de prendre en compte les réalités vécues. « Nous partageons le constat dressé par le président de la République sur la persistance des injustices et la nécessité de redonner un espoir de progrès à chacun », réagissait le secrétaire général à l’issue de la conférence de presse. Quant aux mesures annoncées par le chef de l’État, elles dépassent le cadre qu’il avait lui-même fixé au début du grand débat dans sa lettre aux Français, mais manquent de précisions sur la mise en œuvre. « La conférence du pouvoir de vivre, que la CFDT et dix-huit autres organisations appelaient de leurs vœux, n’a pas été évoquée. Pourtant, notre pays a besoin d’une mobilisation générale pour le travail, l’emploi et les grandes transitions, d’une mobilisation générale pour le pouvoir de vivre. Et cette stratégie doit être construite collectivement, sur tous les sujets », a réagi la CFDT.

Pouvoir d’achat et fiscalité

Le pouvoir d’achat avait été l’un des éléments majeurs du grand débat, appuyé par la CFDT et par les milliers de contributions citoyennes. 
Dans sa réponse aux Français, Emmanuel Macron annonce 


la reconduction de la prime exceptionnelle de 1 000 euros (mise en place fin 2018), 

  • la rĂ©indexation progressive des retraites sur l’inflation
  • et l’augmentation du minimum contributif – ce complĂ©ment versĂ© Ă  tout retraitĂ© du rĂ©gime gĂ©nĂ©ral de la SĂ©curitĂ© sociale, ayant suffisamment cotisĂ© pour percevoir une retraite Ă  taux plein mais qui touche une très petite pension. Avant d’ajouter qu’il souhaitait dĂ©sormais que « la retraite minimale que l’on touche quand on a travaillĂ© durant sa vie, ce soit 1 000 euros ». Autrement dit, c’est bien l’ensemble des pensions, complĂ©mentaires incluses, qui sera portĂ© Ă  1 000 euros, prĂ©cise FrĂ©dĂ©ric Sève, secrĂ©taire national en charge du dossier retraites. « Pour les personnes concernĂ©es, le gain sera de l’ordre de 50 euros par mois, portant ainsi le minimum de pension Ă  85 % du Smic, objectif fixĂ© par la loi Retraites de… 2003. Aussi, si cette mesure va dans le bon sens, nous continuons Ă  revendiquer une pension Ă©gale Ă  100 % du Smic pour les personnes qui ont travaillĂ© toute leur vie. » 
  • CĂ´tĂ© fiscalitĂ©, l’annonce d’une rĂ©duction significative de l’impĂ´t sur le revenu dès 2020 pour les classes moyennes et la suppression de certaines niches fiscales qui bĂ©nĂ©ficient aux entreprises suffiront-elles Ă  rĂ©pondre Ă  l’exaspĂ©ration fiscale Ă©voquĂ©e il y a trois semaines par le chef du gouvernement ? Pour la CFDT, « toute Ă©valuation, modification ou rĂ©orientation des dĂ©penses fiscales et des aides publiques aux entreprises va dans le sens d’une plus grande justice fiscale. En revanche, cette baisse des impĂ´ts ne saurait ĂŞtre financĂ©e par une baisse aveugle de la dĂ©pense publique et par le fait de travailler davantage ».

Travail

Avec son souhait de voir les Français « travailler davantage », Emmanuel Macron a semĂ© le trouble. Un temps Ă©voquĂ©e, l’instauration d’un jour de solidaritĂ© supplĂ©mentaire a finalement Ă©tĂ© Ă©cartĂ©e, comme l’assouplissement des 35 heures (la question Ă©tant renvoyĂ©e au dialogue social dans les entreprises ou dans les branches professionnelles, conformĂ©ment aux ordonnances Travail) et le report de l’âge lĂ©gal de dĂ©part. « Beaucoup de portes ont Ă©tĂ© fermĂ©es », note FrĂ©dĂ©ric Sève. Restent l’allongement de la durĂ©e de cotisation et la mise en place d’un système de dĂ©cote pour inciter les salariĂ©s Ă  partir plus tard, pistes privilĂ©giĂ©es par le chef de l’État dans son intervention de jeudi. « Ceux qui se bataillaient hier pour le report de l’âge lĂ©gal le feront dĂ©sormais sur ces nouveaux paramètres. Le match continue », poursuit le secrĂ©taire national, prĂ©cisant au passage que « la durĂ©e de cotisation doit dĂ©jĂ  augmenter Ă  partir de 2020 suite Ă  la rĂ©forme Touraine de 2014. »

Services publics

Depuis des mois, le sentiment d’abandon et de fracture territoriale n’a cessĂ© de transparaĂ®tre dans l’expression des participants au grand dĂ©bat mais aussi sur les ronds-points. Aussi la CFDT approuve-t-elle le nouvel acte de dĂ©centralisation annoncĂ© pour le premier trimestre 2020, censĂ© faire du canton le maillon central de la prĂ©sence de l’État sur le terrain – via la mise en place de « maisons de services au public » d’ici la fin du quinquennat, ou le moratoire sur les fermetures d’hĂ´pitaux et d’Ă©coles : « Ce sont autant d’élĂ©ments-clĂ©s du bouclier de services publics que nous revendiquons dans le Pacte du pouvoir de vivre. Ce nouvel acte de dĂ©centralisation peut ĂŞtre une opportunitĂ©, Ă  condition que les nouvelles responsabilitĂ©s accordĂ©es aux collectivitĂ©s territoriales s’accompagnent des moyens d’agir. » ConsĂ©quence possible de l’extension de besoin de services de proximitĂ© : pour la première fois, le chef de l’État a Ă©voquĂ© un possible retour en arrière sur son objectif de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires d’ici cinq ans. « Un objectif totalement irrĂ©aliste, analyse Mylène Jacquot, secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale de la CFDT-Fonctions publiques dans un entretien Ă  LibĂ©rationPendant deux ans, la rĂ©flexion n’a Ă©tĂ© que budgĂ©taire (et) est allĂ©e de pair avec un discours inquiĂ©tant sur les agents qui a fait beaucoup de mal. Ces deux annĂ©es laissent des traces. » Aussi la CFDT-Fonctions publiques ne veut pas crier victoire. « On a bien entendu ce qui s’est dit : on prend acte et on vĂ©rifiera. »

Démocratie et citoyenneté

Ces trois derniers mois l’ont montrĂ© : les Français veulent s’exprimer, dĂ©battre, participer. Prenant soin dans son prĂ©ambule de consolider la place des Ă©lus, le chef de l’État a confirmĂ© la relance dès l’étĂ© de la rĂ©forme constitutionnelle (prĂ©vue en 2018, mais Ă©cartĂ©e Ă  la suite de l’affaire Benalla) comprenant une dose de proportionnelle (de l’ordre de 20 %) aux Ă©lections lĂ©gislatives, la rĂ©duction d’un tiers du nombre de parlementaires et celle du nombre de mandats. Du cĂ´tĂ© de la dĂ©mocratie participative, il souhaite simplifier le recours au RĂ©fĂ©rendum d’initiative populaire (RIP) – mis en place dès 2008 mais enclenchĂ© pour la première fois en avril pour contester le projet de privatisation des AĂ©roports de Paris â€“ et renforcer le droit de pĂ©tition Ă  l’échelon local. Enfin, au sein du Conseil Ă©conomique, social et environnemental (Cese), un conseil de la participation citoyenne composĂ© de 150 citoyens tirĂ©s au sort doit permettre de « reprĂ©senter la sociĂ©tĂ© dans toute sa diversité ». « Si l’idĂ©e d’associer les citoyens aux travaux du Cese peut contribuer Ă  construire une dĂ©mocratie plus participative, comme le montre l’expĂ©rimentation menĂ©e dans le cadre du grand dĂ©bat, le flou demeure sur son articulation avec la sociĂ©tĂ© civile constituĂ©e sur le long terme », analyse le secrĂ©taire national Thierry Cadart. Avant mĂŞme l’adoption de la rĂ©forme constitutionnelle, cette instance se rĂ©unira dès juin pour une première mission consacrĂ©e aux mesures d’aides Ă  la mobilitĂ©.

Transition Ă©cologique

C’est la grande absente du débat. Un « conseil de défense écologique » a bien été annoncé, impliquant plus étroitement le Premier ministre et les ministres concernés par l’état d’urgence climatique. Mais on est bien loin des mesures fortes attendues, sur la rénovation thermique des logements, notamment. Pendant trois mois, seule et avec d’autres, la CFDT n’a cessé de réaffirmer « la nécessité de construire un horizon de long terme, qui va mettre au cœur des politiques mises en œuvre les transitions écologiques et démographiques sans renoncer à des réponses concrètes face à l’urgence climatique ». Pour cela, elle appelle une nouvelle fois à la tenue d’une conférence du pouvoir de vivre, permettant, au-delà des mots, de juger les actes.

Les réformes devraient s’enchaîner jusqu’en 2022.

• Juin 2019 

– présentation de la réforme de l’assurance chômage

– convention citoyenne sur l’écologie avec 150 personnes tirées au sort pour rejoindre le Conseil économique, social et environnemental (Cese)

– création d’un conseil de défense écologique

• Automne 2019 

– projet de réforme des retraites

• Décembre 2019 

– reconduction de la prime exceptionnelle de 1 000 euros

• Janvier 2020 

– réindexation des retraites de moins de 2000 euros sur l’inflation

– mise en place d’un montant minimum de retraite fixé à 1 000 euros pour les personnes ayant une carrière complète

• Premier trimestre 2020

– nouvel acte de décentralisation avec les maisons de services au public dans chaque canton

– réforme constitutionnelle, dont l’examen pourrait avoir lieu au Parlement dès l’été 2019.

Elle devrait inclure l’instauration d’une dose de proportionnelle, la réduction d’un quart du nombre de parlementaires et la mise en place du référendum d’initiative partagé.

• À partir de 2021

– réindexation de toutes les retraites

S’abonner
Notifier de
guest

0 Commentaires
Inline Feedbacks
View all comments
cfdt-ag2r

GRATUIT
VOIR