Réforme des retraites : premières analyses de la CFDT

Jeudi dernier, le Haut-Commissaire à la réforme des retraites a présenté ses préconisations. Après 18 mois de concertation, les grandes lignes du rapport portant la création d’un régime universel de retraites sont désormais connues. Elles doivent servir de base à l’élaboration de la loi programmée pour 2020.

L’idée d’une “réforme globale” est revendiquée de longue date par la CFDT. Et selon Laurent Berger, il y a là « un certain nombre d’avancées en faveur d’un système plus redistributif et plus lisible. Ce rapport est avant tout la preuve qu’il est possible de construire une réforme d’ampleur tout en confortant la répartition et la solidarité ». Un temps évoqué par le Gouvernement, l’idée d’instaurer d’économies sur les retraites dans le cadre du budget 2020, a pour l’heure été écartée par le gouvernement, la CFDT en ayant fait une ligne rouge. Mais cet abandon devra être confirmé à la rentrée.

Le dispositif doit entrer en vigueur en 2025 pour les personnes nées à partir du 1er janvier 1963.

Un système universel

Les mêmes règles s’appliqueront donc à tous les actifs (salariés du privé, fonctionnaires, indépendants…) avec un montant de pension calculé sur l’ensemble de la carrière et non plus sur les 25 meilleures années pour les salariés ou les 6 derniers mois pour les agents.

Une indexation sur les salaires

Les droits acquis seront indexés sur les salaires et non plus sur l’inflation, comme c’est le cas aujourd’hui.

Une fois à la retraite, les pensions resteront elles, indexées sur l’inflation. La CFDT souhaitait que l’indexation des pensions prenne elle aussi les salaires pour référence.

Une période de transition sur 15 ans

« Il va falloir rapidement préciser le processus de transition entre les deux systèmes, et de garantie des droits acquis. Les actifs ne doivent pas faire les frais de la réforme », précisent les négociateurs CFDT. L’hypothèse d’une période de 15 ans a été avancée, et fera l’objet des discussions avec l’exécutif.

Un âge d’équilibre

C’est le principal point de crispation pour la CFDT.

Si l’âge de départ légal reste fixé à 62 ans, le rapport préconise un “âge d’équilibre ”pour partir à la retraite fixé à 64 ans dès 2025. En somme, un nouvel âge de départ « à taux plein » uniforme, assorti d’une décote pour ceux qui décideraient de partir avant, et d’une surcote pour ceux qui prolongeraient.

« Créer un âge pivot unique est injuste et injustifié. Si l’on rentre dans un système universel qui donne plus de lisibilité à chacun, l’âge de départ doit être adapté à la réalité de carrière de chacun et évoluer en fonction des situations individuelles » a réagi Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT.

Les carrières longues maintenues

A noter toutefois qu’à la demande de la CFDT, le dispositif de carrières longues qui permet de partir plus tôt sera maintenu, sans application de décote-surcote pour les actifs concernés.

Une prise en compte de la pénibilité encore insuffisante

Dans la nouvelle phase de concertation qui s’ouvre, il s’agira aussi de pousser deux revendications phares. D’abord,« une prise en compte complète de la pénibilité des métiers avec une application d’un dispositif commun et amélioré pour les agents comme pour les salariés. La simple extension du compte professionnel de prévention (C2P) ne saurait suffire, il doit être repensé pour ne pas conduire à des injustices sociales ».

Un aménagement des fins de carrière à poser

 Ensuite, l’aménagement des fins de carrière via le développement de la retraite progressive doit être posé. « C’est une revendication partagée par une très large majorité de salariés, dont les 120 000 répondants de l’enquête Parlons travail. Car on ne travaille pas de la même manière à 60 ans qu’à 30 ans, » a rappelé le négociateur CFDT Frédéric Sève.

Eléments de solidarité

Les périodes de chômage indemnisé, maternité, invalidité et maladie donneront droit à des points de solidarité financés par l’impôt.

Le rapport propose également de majorer les pensions de 5% par enfant dès le premier enfant, contre 10% actuellement à partir de 3 enfants. Cette majoration, qui pourra être partagée entre les deux parents, sera à défaut attribuée à la mère, « les femmes devant être les principales bénéficiaires des mesures de solidarité liées aux droits familiaux », précise le Haut-commissaire. Une demande CFDT partiellement entendue, mais dont le caractère retenu (majoration proportionnelle aux revenus plutôt que forfaitaire) ne permet pas d’aller dans le sens de plus de justice sociale.

Les basses pensions : pas suffisant

Qu’en est-il des basses pensions ? Le rapport propose de garantir un minimum de retraite égal à 85% du smic net pour une carrière complète, contre 81% actuellement (et 75% pour les agriculteurs). Insuffisant pour la CFDT, qui réclame un « effort soutenu pour répondre aux inégalités  et aux discriminations qui persistent sur le marché du travail, notamment en défaveur des femmes, » juge Frédéric Sève. Pour cela, la CFDT demande que le minimum d’une pension complète soit équivalent à 100% du smic.

L’exécutif face à ses responsabilités

La balle est désormais dans le camp de l’exécutif, que « nous souhaitons voir s’inscrire dans la même démarche d’écoute et de construction que celle qui a prévalue avec le Haut-commissaire, » exprimait Laurent Berger. Alors que d’autres organisations syndicales appellent déjà à des mobilisations à la rentrée, la CFDT elle, a fait le choix de la concertation. « Il en est du devenir de notre système de retraite et à plus long terme du devenir de notre système de solidarité, et de notre capacité à faire évoluer notre système de protection sociale pour qu’il soit plus juste et plus solidaire ». Dès la semaine prochaine, des rencontres bilatérales commenceront avec l’exécutif, avant une multilatérale fin août avec le Premier ministre.

Premiers éléments d’analyse CFDT

De manière globale, on peut distinguer des éléments qui conviennent à la CFDT, d’autres pour lesquels il nous faudra continuer à revendiquer du mieux, des éléments insuffisants, et enfin deux lignes rouges. D’ores et déjà, les éléments clés du rapport sont les suivants :

Les éléments du projet qui peuvent convenir à la CFDT :

– Un système par répartition, contributif et solidaire,

– Un système universel, mais pas uniforme,

– Un système en points,

– Le principe de la garantie à 100% des droits acquis,

– Le maintien du dispositif des carrières longues,

– L’indexation de la valeur du point sur les salaires à terme (aujourd’hui l’indexation se fait sur l’inflation),

– Le principe d’un minimum de pension,

– Des points accordés pour les aléas de carrière ou de vie (chômage…),

– Une majoration pour enfant dès le premier enfant,

– Un objectif de maintien du niveau de vie de la personne veuve pour la réversion,

– La prise en compte des spécificités de certains métiers ou situations professionnelles,

– L’intégration des primes des fonctionnaires et des agents des régimes spéciaux dans l’assiette,

– Et une transition progressive.

Les éléments du projet qui demandent à être améliorés :

– Le niveau du minimum de pension : nous revendiquons 100% du SMIC net et non comme le propose le rapport 85% (ce qui était déjà l’objectif posé dans la loi de 2003 pour 2008 et non réalisé à ce jour),

– L’indexation des pensions : nous demandons qu’elle prenne pour référence les salaires plutôt que l’inflation,

– La majoration pour enfant : pour la CFDT, cette majoration doit être forfaitaire (et non proportionnelle au revenu) pour être davantage redistributive,

– La réversion : notre revendication est d’en faire bénéficier au moins les personnes PACSées (et non simplement les personnes mariées). En outre, l’absence d’un plafond et d’un plancher pour la réversion peut être interrogé.

Les éléments insuffisants :

– La garantie des droits acquis : il s’agit d’un point à approfondir car aujourd’hui, les règles de calcul ne sont pas détaillées. La CFDT restera vigilante pour que cette garantie soit effective et juste, quelle que soit la carrière et malgré la complexité de l’opération. Les droits des actifs ne doivent pas faire les frais de la réforme.

– La pénibilité : Sa prise en compte est insuffisante aujourd’hui tant dans le privé que dans le public. La simple extension du C2P du secteur privé à la fonction publique et aux régimes spéciaux suite à la disparition progressive des catégories actives ne saurait suffire. Les seuils actuels sont aujourd’hui trop élevés, 4 critères sont désormais exclus du C2P et l’abaissement de l’âge de départ n’est que de 2 ans. Ne pas repenser le dispositif du C2P pourrait conduire à des injustices sociales.

– La retraite progressive : même si le rapport préconise d’ouvrir la retraite progressive à l’ensemble des assurés, il n’y pas de volonté manifeste d’aller vers le droit au temps partiel au-delà d’un certain âge, ni d’inciter à recourir au temps partiel. Les recommandations du HCRR se focalisent sur le cumul emploi-retraite en le libéralisant sans plafond ni limite. La CFDT milite pour un véritable droit à l’aménagement des fins de carrière.

– La gouvernance : à ce stade, le projet de la gouvernance du futur système et de la transition n’assure pas un réel partage du pouvoir entre l’Etat et les partenaires sociaux, qui sont pour la CFDT incontournables dans le pilotage du système de retraites. Le positionnement du gouvernement vis-à-vis des partenaires sociaux jusqu’à aujourd’hui incite à la plus grande prudence.

Les lignes rouges :

L’âge pivot : La CFDT est totalement opposée à l’introduction d’un âge du taux plein à 64 ans (avec décote et surcote) identique pour tous dès 2025 et qui figure dans le rapport. Cette mesure est anxiogène, contre-productive et injuste. Elle ignore la diversité des carrières et des situations professionnelles : seuls certains salariés sont en mesure de travailler plus longtemps (d’abord ceux qui sont en emploi, ceux qui n’exercent pas un métier physique ou pénible).

Le financement du système : La CFDT se félicite d’avoir obtenu que le gouvernement renonce à insérer dans le projet de financement de la sécurité sociale pour 2020 des mesures paramétriques (augmentation de la durée de cotisation par accélération de la réforme Touraine). Cette intention restera à confirmer à la rentrée.

Le HCRR recommande que le nouveau système soit à l’équilibre en 2025. L’objectif est louable mais la CFDT est en désaccord avec l’analyse du gouvernement sur l’origine du déficit du système de retraites. Le déséquilibre du système ne provient pas d’un dérapage des dépenses, mais de la diminution des ressources du fait de choix imputables au gouvernement (non-compensation des exonérations de cotisations CICE, forfait social, et désocialisation des heures supplémentaires)

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GIBET
GIBET
4 années il y a

Le haut-commissaire a aussi évoqué une nouvelle structure pour gérer cette “retraite universelle”.
Cette nouvelle structure remplacera donc la CNAV et l’ARRCO/AGIRC. De fait, on peut supposer que les GPS Retraite (environ une quinzaine) vont disparaître au 1er janvier 2025, date de mise en place du nouveau système.

Je pense que cette nouvelle structure ne pourra pas reprendre les effectifs des entités obsolètes.
Tout porte à croire que les effectifs de la CNAV seront suffisant de part leur nombre et le statut de ses salariés.

Sauf erreur, on peut estimer à environ 20 000 les emplois travaillant sur la retraite complémentaire (tutelle + GPS). Que vont devenir ces emplois devenus inutiles au 1er janvier 2025 ?

Je ne pense pas que les GPS pourront les absorbés sur les activités concurrentielles (prévoyance…).

Ne faudrait-il pas s’en inquiéter déjà ?

J’ai cru comprendre que le bilan de la retraite complémentaire présentait un solde de 10 milliards d’€.
On espère que la nouvelle structure de retraite universelle ne va pas seulement récupérer ce magot et laisser sur le carreau ces 20 000 salariés.

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