Transformation de la distribution : avis défavorable du CHSCT AG2R REUNICA

Le 19 mars était demandé l’avis du CHSCT sur le projet de transformation de la distribution commerciale du groupe. L’avis unanime a été défavorable sur un dossier jugé dangereux pour les réseaux commerciaux chargés des entreprises et des particuliers.

Texte de l’avis du CHSCT :

Consultation sur un projet de transformation de la distribution dans le groupe AG2R LA MONDIALE.

Le contexte

Il existe trois éléments de contexte importants.

Le premier élément concerne le moment choisi pour opérer cette réforme. Alors que les réseaux AG2R et LA Mondiale travaillent côte à côte depuis une dizaine d’année, leur réforme n’est engagée qu’en 2019. Ce choix tardif ne permet pas de profiter de la dynamique d’un rapprochement trop ancien. Au contraire, des organisations et des comportements professionnels se sont installés et sans doute cristallisés, rendant plus difficile la mutation souhaitée.

Le second élément de contexte concerne le rapprochement avec la MATMUT. Bien qu’effectif depuis le début de l’année, le projet occulte complètement le réseau MATMUT. Or, force est de constater que cette situation ne pourra pas perdurer et qu’une nouvelle réforme devra être mise en place rapidement. Effectuer deux réformes successives ne peut qu’être source de stress et de dégradation des conditions de travail pour les salariés concernés.

Le dernier élément est que cette réforme est mise en place dans un contexte d’économies budgétaires voulues par la direction générale. De ce fait, le projet est construit à iso effectif, avec des tensions possibles sur les moyens déployés, et donc sur les conditions de travail des collaborateurs.

Les principes du projet

La nouvelle organisation vise à s’appuyer sur une démarche multi marché ciblée. L’objectif affiché du projet n’est pas de fusionner les différents marchés, mais de favoriser les coopérations.

La problématique de l’organisation de cette coopération, pourtant centrale, n’est pas traitée complétement.

La seule résolution du problème repose sur un management unique. C’est faire donc reposer principalement le succès ou l’échec du projet sur ce dernier.

Cette réforme s’effectue sans harmonisation des conditions de travail, des rémunérations et sans système incitatif. La création d’un collectif de travail multi marché s’avèrera dans ces conditions, difficile. Ainsi, si la coopération s’effectue par le biais de recommandations et de rebonds commerciaux, le problème de la rétribution finale de l’affaire conclue n’est, par exemple, pas traité.

Cette situation va créer une tension dans les rapports sociaux au sein de la direction commerciale régionale.

Les populations avec des cultures, des conditions de travail et d’emploi différentes, ne peuvent travailler ensemble que sous la seule impulsion du management. Nous avons une crainte de marginalisation des commerciaux du MDP et du MDE.

A terme, existe aussi un risque de conflit de logique entre les commerciaux et la ligne managériale, avec les premiers qui pourraient se cantonner à leur domaine d’activité et des managers qui chercheraient une imbrication plus forte des différents marchés.

Une mise en difficulté des managers, qui seront chargés de réguler les tensions relationnelles dans les équipes multi marché, est également à craindre.

Les conditions de travail

La transformation de la distribution proposée induira également une intensification du travail et un changement de rythme pour tous les collaborateurs relevant de la Direction du développement .

Les managers d’équipes risquent une surcharge de travail liée à l’apprentissage des autres marchés, à la maitrise des outils, à l’accompagnement des commerciaux.

Les managers de proximité issus du MDE ou MDP ne seront pas assez accompagnés pour encadrer des équipes MdPro qui ont des conditions d’exercice différentes de leurs métiers. Ainsi, même si le modèle de management du MdPro doit évoluer, un manager de ce marché est un expert et un recours pour les commerciaux, il assure les formations et il procède aux recrutements dans un marché à fort turn-over. Les managers issus du MDE ou du MDP risquent d’être mis en difficulté.

Nous ne pouvons exclure, au vu des informations fournies, que les assistants de secteur seront progressivement polyvalents sur le MDP, le MDE et le MdPRO. Ils verront leur montée en compétence s’appuyer sur le management local, par ailleurs fortement mobilisés sur d’autres sujets.

Le positionnement des ATC dans les pôles et leurs évolutions de missions sont mal définis.

Les modalités d’activité des assistants MDE dans les pôles mutualisés sont mal explicitées.

Nous ne pouvons pas exclure non plus que les commerciaux seront amenés progressivement à effectuer un développement commercial sur d’autres marchés que leur marché d’origine. Pourtant si les impacts sont identifiés dans le projet pour les managers et les assistants, l’accompagnement pour les commerciaux est très faible, voire inexistant.

La réforme de la distribution se fait également autour d’un redécoupage des secteurs. Les élus n’ont pas eu d’information sur l’attribution des portefeuilles par secteurs et n’ont pas pu mesurer si la charge de travail était en adéquation avec les effectifs commerciaux.

L’organisation proposée peut créer une complexité de doubles rattachements (hiérarchiques et fonctionnels) de certains collaborateurs au sein des pôles d’expertises et de développement.

Concernant l’analyse des écarts sur les effectifs entre la situation actuelle et la cible, la direction n’a pas pu fournir d’éléments permettant d’avoir une vision des mouvements de personnel. Même si les estimations de l’expert du CE montrent que 49 commerciaux supplémentaires au global se trouvent dans l’organisation cible, aucune explication n’est donnée par la direction sur la baisse d’effectifs dans certaines régions comme PACAC (-16) et l’Alsace Loraine (-11). Les élus n’ont donc pas pu juger des impacts sur la mobilité professionnelle et sur les problèmes d’emploi.

Si les outils communs de front office, indispensables au succès de la transformation, ont été présentés (projet XRM) au CHSCT et au CE, le calendrier ne prévoit un déploiement qu’en 2021. Ce projet de CRM a été déconnecté du projet global de la réforme de la distribution. Comment dans ces conditions l’activité des marchés pourra-t-elle s’organiser ?

Au global, pour faire face à tous ces risques psycho sociaux, l’accompagnement proposé ne parait pas à la hauteur des dangers.

Autres éléments manquants

Si la qualité de la conduite de projet est manifeste, les indicateurs de pilotage du projet sont absents, en termes de développement commercial, d’efficacité et même de budgets.

L’étude des impacts sur le marché des particuliers est très peu documentée dans le projet. De plus, le rapprochement avec la MATMUT n’est pas inclus dans la transformation de la distribution.

Les objectifs assignés aux autres réseaux et acteurs de la démarche commerciale (VAD, E-commerce, partenariat…) ne sont pas indiqués et leur articulation avec l’ensemble de la distribution n’est pas explicite. Notons par exemple que les interactions avec VIA SANTE ne sont pas étudiées.

Le courtage, et particulièrement le courtage régional, n’est pas suffisamment traité.

Le poste de chargé grands comptes manque de précisions, sur le contenu de la fonction et sur l’assistance. Une logique d’organisation régionale semble se dégager.

Les règles qui prévalent à la création des pôles assistants restent inconnues. La décision semble dépendre uniquement de la volonté du directeur régional.

D’une manière générale, il manque un pilotage national car l’organisation pourra être adaptée en régions, avec des risques de disparités non objectives. Les élus peuvent craindre aussi la re création de silos, contraire aux principes de la réforme engagée. Cette logique d’organisation ajustable implique que la consultation des instances représentatives nationales n’est pas suffisante et qu’une consultation des CHSCT régionaux est indispensable.

Les nombreuses fermetures de sites (58 au total) avec leurs impacts sur les conditions de travail et les temps de trajet des collaborateurs concernés ne sont pas étudiées.

La problématique des mobilités géographiques n’est pas traitée. Nous pouvons citer par exemple les CCGV qui travaillent en agence et qui changeront de fonction pour travailler dans les DR.

Conclusion

Le projet présenté semble incomplet, malgré une maturation de presque deux ans et une conduite de projet maitrisée.

Cette situation conduit les élus a formulé deux hypothèses.

La première est que la transformation de la distribution sera finalisée par régions. Dans ce cas, une consultation des CHSCT régionaux est nécessaire.

La seconde hypothèse est que le projet présenté sera suivi d’un second projet dans lequel les commerciaux du MdP et du MdE seront fusionnés dans le réseau La Mondiale. Cette hypothèse est confortée par le fait que le recrutement des nouveaux managers se fera exclusivement sous statut La Mondiale et que la baisse des effectifs MdE et MdP est continue. La réforme de la distribution ne serait qu’une opportunité pour la direction d’opérer un transfert progressif des activités vers le MdPRO.

Les élus insistent sur le fait que, même si cette dernière hypothèse se révélait fausse, c’est à travers ce prisme que les commerciaux voient le projet. Dans ces conditions, comment obtenir leur adhésion ?

Cette situation est d’autant plus dommageable que l’adhésion était présente sur les finalités premières du projet, notamment le passage en fonctionnement multi marchés.

Compte tenu de tous ces éléments et de l’analyse qu’en font les élus, l’avis du CHSCT est défavorable.

 

 

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