Réforme des retraites : les dispositions du texte adopté.

A l’issue d’un passage en force du gouvernement avec le 49-3 et du rejet des motions de censure déposées par des députés, le projet de réforme des retraites est considéré comme adopté. Voici les principales mesures.

Le texte adopté est celui rédigé par la commission mixte paritaire composée de membres du Sénat et de l’Assemblée nationale.

Report de l’âge légal de départ à la retraite

La première mesure, la plus emblématique et la plus lourde de conséquences pour les salariés est le report de l’âge légal de la retraite.

Jusqu’alors fixé à 62 ans, il faudra désormais attendre d’avoir 64 ans pour pouvoir partir à la retraite. Le report entrera en vigueur progressivement, à compter du 1er septembre 2023, à raison de trois mois par année de naissance.

Les premiers concernés sont ceux nés à partir du 1er septembre 1961, qui pourront partir à la retraite à 62 ans et trois mois révolus. Et ainsi de suite jusqu’en 2030, où l’âge de départ atteindra 64 ans pour tous les travailleurs.

Accélération de la réforme Touraine.

Pour bénéficier d’une retraite à taux plein, il faudra, dès 2027, avoir travaillé 43 ans, au lieu de 2035 comme le prévoyait la réforme Touraine votée en 2014. Ce sera donc huit ans avant ce qui était prévu. Les travailleurs nés après 1965 seront les premiers concernés.

En revanche, l’âge de départ à la retraite sans décote, quelle que soit la durée de cotisation, reste fixé à 67 ans.

GénérationNouvel âge légal de départTrimestres exigés demain (trimestres en vigueur aujourd’hui)
1961 (personnes nées avant le 31 août)62 ans168 (pas de changement)
1961 (personnes nées à partir du 1er septembre)62 ans + 3 mois169 (168)
196262 ans + 6 mois169 (168)
196362 ans + 9 mois170 (168)
196463 ans171 (169)
196563 ans + 3 mois172 (169)
196663 ans + 6 mois172 (169)
196763 ans + 9 mois172 (170)
196864 ans172 (170)
196964 ans172 (170)
197064 ans172 (171)
197164 ans172 (171)
197264 ans172 (171)
197364 ans172 (pas de changement)

Départ à 60 ans pour les « incapacités permanentes

Alors que le texte du gouvernement prévoyait un âge de départ à la retraite à 62 ans pour les personnes en situation d’incapacité permanente, le texte amendé par le Sénat maintient l’abaissement de l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans.

Le dispositif carrières longues.


Un dispositif “carrières longues” permettra de prendre sa retraite à 63 ans pour ceux qui ont débuté entre 20 et 21 ans (au lieu de 61 ans actuellement), 62 ans avant 20 ans (au lieu de 60 ans actuellement) et jusqu’à 58 ans pour ceux qui ont débuté avant 16 ans. La durée minimale de cotisation est fixée à 43 ans.

Aujourd’hui, le dispositif est organisé en deux étages :
une personne qui a commencé à travailler avant 16 ans peut partir à 58 ans, si elle a cotisé assez de trimestres pour le taux plein ET de deux années de cotisations supplémentaires ;
une personne qui a commencé avant 20 ans peut partir à 60 ans, si elle a cotisé assez de trimestres pour le taux plein, sans année de cotisation supplémentaire.
Dans son texte, le gouvernement a créé trois étages au dispositif, en modifiant les paramètres :
-conserver un droit à départ anticipé à 58 ans pour les personnes ayant commencé à travailler avant 16 ans, en diminuant le nombre d’années de cotisation supplémentaire (passanr de deux à une seule) ;
-maintenir un droit au départ à 60 ans pour les personnes ayant commencé à travailler avant 18 ans(contre 20 ans aujourd’hui) mais en augmentant la durée de cotisation requise d’une année supplémentaire (contre aucune aujourd’hui) ;
-reporter l’anticipation du droit à départ anticipé à 62 ans (contre 60 ans aujourd’hui) pour les personnes ayant commencé à travailler avant 20 ans mais sans année de cotisation supplémentaire (comme aujourd’hui).
Le dispositif proposé va dans le bon sens pour les personnes ayant commencé à travailler avant 16 ans. En revanche, il est plus dur pour les personnes ayant commencé à travailler avant 18 et 20 ans.

La revalorisation de la pension minimum

Les pensions seront revalorisées à au moins 85% du smic net, soit près de 1 200 euros bruts, à compter du 1er septembre. Le minimum qui sera désormais indexé sur le smic et non plus l’inflation.

Mais pour bénéficier de cette disposition, il faudra avoir validé une carrière complète à temps plein. De ce fait, les temps partiels et les carrières “hachées” seront exclus.

Un CDI senior expérimental

La réforme instaure un contrat spécifique « CDI senior ». Cette disposition entrera en vigueur si les partenaires sociaux ne parviennent pas à “définir des mesures visant à favoriser l’emploi des seniors” avant le 31 août 2023. Ce contrat sera une expérimentation sur 3 ans, à partir de septembre. 

Il devrait concerner les chômeurs de longue durée, tenus d’accomplir des actes positifs et répétés de recherche d’emploi.

Ce contrat sera exonéré de cotisations sociales pour le rendre attractif.

Le risque est la création d’un effet d’aubaine pour les employeurs qui se dirigeront vers ce type de contrat plutôt que vers des contrats classiques. De plus, il y a contradiction dans les intentions, quand d’une part on veut lutter contre un déficit et que d’autre part, on supprime des cotisations.
Autre disposition du texte : l’employeur ne sera plus tenu de conserver le salarié jusqu’à ses 70 ans, comme c’est le cas aujourd’hui.

Mise en place d’un index senior.


Sera mis en place un “index senior” dans les entreprises d’au moins 300 salariés. Ces entreprises devront publier tous les ans des indicateurs genrés sur l’emploi des salariés âgés et sur les actions mises en œuvre pour favoriser leur emploi. À défaut, elles s’exposeront à une pénalité financière pouvant aller jusqu’à 1% de leur masse salariale. Cette obligation s’appliquera au 1er novembre 2023 pour les entreprises de plus de 1 000 salariés et au 1er juillet 2024 pour les autres.


Des décrets devront préciser la nature de cet index, mais si l’on se réfère à la réalité de l’index égalité hommes-femmes qui existe aujourd’hui dans les entreprises, cet index global risque de masquer la situation spécifique des emplois seniors dans les entreprises.

Les dispositions pour les mères de famille.

Les femmes qui auront dépassé les 43 annuités de cotisation et qui compteront des trimestres de maternité ou d’éducation des enfants pourront bénéficier d’une surcote de 5%. 

Dans le système actuel, les mères de famille peuvent partir à 62 ans et bénéficier au-delà d’une surcote de 10%.

Les mères de famille bénéficieront d’au moins la moitié des trimestres accordés aujourd’hui pour l’éducation d’un enfant, et de la moitié des trimestres liés à l’adoption d’un enfant (ces trimestres peuvent être partagés entre le père et la mère). Il sera garanti aux femmes un minimum de 2 trimestres de majoration liée à l’éducation ou l’adoption d’un enfant.

Aujourd’hui, pour les enfants nés après 2010, 8 trimestres supplémentaires sont accordés aux parents, 4 trimestres en contrepartie de la maternité ou de l’adoption et 4 trimestres en contrepartie de l’éducation de l’enfant. Rajoutés à la carrière au moment du départ à la retraite, ces trimestres aident les bénéficiaires à atteindre la durée requise (en fonction de sa génération), pour une pension de base à taux plein. Pour l’instant, les mères de famille continueront à bénéficier de trimestres supplémentaires, jusqu’à huit par enfant au maximum. . Mais pour une partie des mères de famille, le report de l’âge légal va limiter l’intérêt de cette mesure. Une mère de famille qui, grâce à ces trimestres, pouvait bénéficier d’un départ à taux plein à 62 ans devra désormais partir à 64 ans.

Car le report de deux ans pénalise mécaniquement les mères qui, du fait des trimestres supplémentaires accordés pour la naissance et l’éducation des enfants, pouvaient jusqu’à maintenant partir à 62 ans avec tous leurs trimestres.

Prise en compte de la pénibilité.


Le compte professionnel de prévention qui prenait déjà en compte le travail de nuit et d’autres critères de pénibilité pourra être utilisé pour financer un congé de reconversion professionnelle. D’autres critères comme le port de charges lourdes, les postures pénibles et les vibrations mécaniques seront eux pris en compte au moyen d’un nouveau “fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle”. Chez les fonctionnaires, les “catégories actives” englobant notamment les policiers, pompiers et aides-soignantes conserveront leur droit à un départ anticipé.

La CFDT réclame une meilleure reconnaissance et réparation de la pénibilité. Pour cela, elle revendique la réintégration des 4 facteurs exclus du C3P transformé en C2P en 2017 (les postures pénibles, les manutentions manuelles de charges, les vibrations mécaniques, l’exposition aux agents chimiques dangereux). Ce sont ces 4 facteurs qui sont responsables de l’écrasante majorité des maladies professionnelles : 95 % des maladies professionnelles reconnues en 2019 ! Sans cela, il ne peut y avoir de justice sociale !
Pour ce faire, la CFDT propose que ces 4 facteurs soient réintégrés par voie d’accord de branche, ou à défaut, en s’appuyant sur les données statistiques en matière d’accident du travail et de maladie professionnelle par métier de la branche ATMP. Cela permettra ainsi de mieux prendre en compte la polyexposition (c’est-à-dire le fait d’être exposé à plusieurs facteurs de risque) et ainsi d’acquérir plus rapidement des droits.
Cette revendication de la CFDT aboutirait à rendre éligibles au C2P les maçonnes et maçons, les carreleurs et carreleuses, les aides à domicile, les aides-soignantes et aides-soignants, les agentes et agents de caisses et certains personnels des supermarchés, de nouvelles catégories de salarié·es de l’industrie agroalimentaire, certaines ouvrières et ouvriers de la métallurgie, etc.
La reconnaissance de la pénibilité, grâce à l’obtention de points via le C2P, permet de partir en formation pour se reconvertir dans un métier moins pénible, de bénéficier d’un temps partiel sans perte de salaire ou de partir plus tôt à la retraite. La CFDT revendique son extension aux travailleurs et travailleuses des fonctions publiques, fonctionnaires (hors catégories actives) et contractuel·les. Nous proposons aussi au Gouvernement de déplafonner le C2P afin de faciliter l’utilisation des points de pénibilité acquis, pour favoriser la formation en vue d’une reconversion.

La suppression de régimes spéciaux avec une clause spécifique.


Les régimes de la RATP, des industries électriques et gazières (EDF, Engie, etc.), de la Banque de France, mais aussi des clercs de notaire et membres du Conseil économique social et environnemental (CESE) vont disparaître et seront inclus au régime général. Seuls les nouveaux embauchés seront concernés par cette suppression, les salariés en poste garderont le bénéfice des régimes actuels.

Les fonctionnaires 

Le report de l’âge légal à 64 ans d’ici 2030, l’allongement de la durée de cotisation à 43 ans dès 2027, l’âge de la retraite sans décote à 67 ans concerneront aussi les agents publics, fonctionnaires et contractuels. Le mode de calcul des pensions des fonctionnaires reste inchangé (sur l’indice de traitement des six derniers mois, soit le traitement hors les primes).

Et maintenant ?

Désormais adopté, la loi doit encore être promulguée dans les quinze jours par le Président de la République pour entrer en application.

Cependant, l’opposition a déjà fait savoir qu’elle saisirait dans ce même délai le Conseil Constitutionnel pour une analyse du texte. Le texte pourrait être rejeté notamment si les sages du conseil jugent le véhicule utilisé par le gouvernement, une loi rectificative du budget de la Sécurité sociale, n’est pas adapté à un texte de cette importance qui aurait dû faire l’objet d’une loi spécifique à part entière.

 D’autre part, certains élus de l’opposition souhaitent également proposer un référendum d’initiative partagée (RIP), un dispositif qui permettrait de contrer l’application de la loi.

S’abonner
Notifier de
guest

7 Commentaires
le plus ancien
le plus récent le plus populaire
Inline Feedbacks
View all comments
Béatrice Cormon
Béatrice Cormon
1 année il y a

Que vont devenir les salariés en congés fin de carrière ?

GALET
GALET
1 année il y a

Bonjour,
donc si je comprends bien, les trimestres acquis pour enfant sont divisés par 2 ?
ainsi j’ai 32 trimestres pour enfant, il ne m’en restera que 16 ?
merci pour vos explications.

Elisabeth Borne493
Elisabeth Borne493
1 année il y a

Dans vos articles vous avez omis l’amendement du sénat pour les générations 1962 et 1963 au titre des carrières longues -qui conservent les conditions actuelles

Béatrice Cormon
Béatrice Cormon
1 année il y a

Que va faire le groupe concernant les personnes en congés fin de carrière il faut une réponse rapide et claire

cfdt-ag2r

GRATUIT
VOIR